La Gymnosophie
LA GYMNOSOPHIE
Nudité, Gymnité et Sagesse
Causerie philosophique
(1992)
Cercle d’Etudes Historiques et Philosophiques (Angers)
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LA GYMNOSOPHIE… Voilà un thème de réflexion pour le moins singulier. Quant à son intitulé explicatif, « Nudité, Gymnité et Sagesse », peut-être s’attendrait-on à davantage de lumière sur le thème en question ? Je pressens déjà, chers auditeurs, votre sentiment de perplexité ainsi que votre questionnement face au développement qui va suivre. Par le jeu des assonances ou des consonances, d’aucuns chercheront sans doute à tisser certaines analogies avec la Théosophie, l’Anthroposophie voire la Pansophie, pour ne citer que cette fameuse triade qui comporte au moins un point commun, la Sophia. Mais il n’en est rien. La Gymnosophie n’est point liée à ces écoles plus ou moins modernistes bien que leurs fondateurs – Helena Blavatsky, Charles Webster Leadbeater, Rudolph Steiner, entre autres noms – aient été détenteurs de filiations valables rescapées des Ecoles des Mystéres des peuples antiques. Mettons-nous sur la voie. C’est bien vers ces périodes lointaines de l’antiquité païenne, avec ses célèbres Mystères d’Osiris, d‘Isis et de Sérapis, que nous allons porter notre regard et, tout particulièrement, dans les sanctuaires les plus fermés que nous ferons connaissance avec les Gymnosophistes ou les Gymnosophes.
En effet, c’est précisément dans le berceau des castes ancestrales et héréditaires de ces cultures - l’Inde, l’Egypte et la Grèce – que l’on retrouvera l’Idée première des « Mystères » avec ses motifs initiatiques, moraux, politiques et artistiques et, en ce sens, on ne peut qu’approuver ce qu’écrivit Arturo Reghini dans son ouvrage, « Mots sacrés et mots de passe » (aux Editions Arché, Milan) :
« L’idée centrale des Mystères initiatiques est donc l’ancienne idée méditerranéenne de la survivance privilégiée, de la résurrection, de l’immortalité par la mort, en somme de la palingénésie obtenue par la mort physique. C’est l’idée égyptienne, orphique, pythagoricienne, hermétique, c’est la raison principale des mystères d’Eleusis, de Cérés, de Mithra… C’est enfin l’idée-base rattachée au Christianisme par saint Paul. Alors pourquoi aller chercher le prototype de l’homme qui meurt pour ressusciter, précisément dans l’Hébraïsme où les mystères n’existaient pas ? ». (A. REGHINI).
Mais, qu’est-ce, au vrai, la Gymnosophie ?
Un enfant de treize ans, possédant quelques rudiments de grec – je dis cela parce que j’ai posé la question à ma fille – vous répondra : « Gymnosophie, association du substantif gumnos « nu » ou « légèrement vêtu » et de sophia « sagesse » ou de sophos « habile, savant, sage » pour Gymnosophiste… »
Et le Père d’ajouter, de manière fort sibylline mais respectueux de la Tradition, tout en évitant l’écueil d’un sophisme : « en effet, au sens premier du mot, la Gymnosophie est l’art d’honorer la Sagesse en étant « ni nu, ni vêtu… »
Consultons maintenant le dictionnaire « Petit Robert » au mot GYMNOSOPHISTE.
« Philosophe d’une ancienne secte hindoue, dont les membres ne portaient pas de vêtements et menaient une vie d’ascètes contemplatifs. »
Cette définition, parmi tant d’autres, passée sous les « fourches caudines » des académiciens, est quelque peu réductrice. Bien que le mot Gymnosophiste – littéralement Sage-nu – s’explique de lui-même, il ne doit pas être appliqué seulement, comme cela se fait souvent, à quelque secte de fanatiques dont on raconte tant d’excentricités. Du reste, je reviendrai plus loin sur le mot « secte » mis à toutes les sauces et qui finit par avoir des connotations peu ragoûtantes. En vérité, le substantif « Gymnosophiste » s’applique en général aux Brahmanes, aux philosophes indiens ainsi qu’aux sages de l’Egypte.
C’est d’abord aux Indiens, c’est-à-dire au peuple le plus anciennement connu, que l’on attribue généralement la pensée originelle et la première application des principaux Mystères de l’antiquité. Les Gymnosophistes de l’Inde aryenne formaient donc la caste sacerdotale des Brahmanes, spécialement chargée du service des autels, et ce sous le ministère de la triple divinité (Trimurti) : Brahma, Vishnu, Shiva. Les Grecs nous apprennent – je reviendrai plus loin sur les auteurs du « miracle grec » et de l’Ecole alexandrine qui s’inspirèrent de la Science des Gymnosophistes – savoir que ces philosophes enseignaient l’immortalité de l’âme, c’est-à-dire sa céleste origine et son retour au sein du Plérôme, suite à d’incessantes migrations destinées à l’épurer. Ils ne devaient passer aucun jour sans avoir fait quelque bonne action. Ils vivaient en commun, adonnés à l’étude de l’astronomie, de l’histoire de la nature et de la politique, et ne sortaient de leur retraite que pour initier les autres hommes sur leurs découvertes. C’est dire que la place des Gymnosophistes, dans l’organisation intérieure de l’Etat indien, était marquée au premier rang.
A ce titre, il convient de rappeler que dans les plus grandes nations de l’antiquité, il n’était pas permis d’être inutile à l’Etat, d’où cette division en ordres distincts : les prêtres, les guerriers, les agriculteurs, les marchands, les artisans (consulter ma conférence sur les migrations indo-européennes). L’emploi que la loi assignait à chacun se perpétuait de père en fils en vertu de ce principe fondamental, si peu compris de nos jours : « chacun est noble quand il est à sa place, mais le devoir de l’un n’est pas le devoir de l’autre » (Yoga Sutra de Patanjali). Cette règle institutionnelle, d’ordre religieux et social, avait l’immense avantage de donner à la nation une continuité d’hommes utiles et, partant, cette constance, cette stabilité des choses, qui assurent le bonheur des peuples. A l’origine, l’ambition et la jalousie, qui forment aujourd’hui le levain ordinaire des révolutions, étaient autant de revendications individuelles sévèrement proscrites. Il n’existait point de motifs de mécontentement entre ces castes respectées et sanctionnées par la religion. L’ambition personnelle était ainsi réduite au silence devant l’utilité publique. Que l’on réfléchisse un instant, par exemple, à l’abnégation personnelle et à l’enthousiasme sacré des ouvriers constructeurs qui mettaient la main au maillet, au ciseau et à la truelle dans le saint but d’ériger des édifices dont le chantier s’étirait sur de nombreux siècles.
En un mot, c’est certainement à L’Inde et à l’Egypte et aux Gymnosophistes de ces deux immenses civilisations, que nous devons la tendance générale des mystères, des dogmes et des sociétés humanitaires du paganisme antique, tendance qui était surtout de rendre les hommes meilleurs et plus heureux. L’étendue et la variété des connaissances de ces Gymnosophistes devraient être regardées, pour tous les temps, comme un sujet d’étonnement et de vénération. C’est pourquoi, il faut bien préciser que la base fondamentale de la civilisation classique de l’antiquité est totalement étrangère au concept même de « secte ». Les Gymnosophistes ne constituaient pas une secte selon l’acception vulgaire.
C’est ici que je voudrais ouvrir une parenthèse sur ce qu’on entend généralement par « secte » :
Si nous nous référons à la racine même du mot, il s’agit de groupements, voire de sociétés, plus ou moins importants, professant une doctrine de manière intransigeante.
Les sectateurs, ceux qui appartiennent à une secte, font donc preuve de sectarisme. Ils ne partagent pas leurs opinions avec d’autres professions de « foi ».
De même origine, nous trouvons le substantif « section », qui veut bien dire couper. Les adeptes constituent alors un secteur au sein d’un pays, d’une organisation. C’est une partie de la population qui se rend coupable d’un sectionnement, par rapport au reste des individus. En vérité, le sens profond de la racine « secte » s’est altéré avec les siècles, car le mot « secte », à la base, provient de « sequi », qui veut seulement dire « suivre »… Suivre un enseignement, une doctrine dont la nature même des vérités communiquées était, jadis, transmise par initiation. Cette instruction s’adressait à l’individu et jamais aux masses, lesquelles par définition sont toujours à la merci d’un monde corrompu et adonné aux plus grossières superstitions.
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Par-delà les préjugés courants et les altérations diverses, le mot secte rejoint donc l’idée d’association libre et volontaire, mais toujours subordonnée au Collège sacré des prêtres qui formaient en somme le Chapitre des mystères. Au sein de ces associations du monde antique, les candidats s’engageaient à servir Dieu de tout leur coeur, à observer la justice envers les hommes, à ne jamais faire volontairement de mal à personne, à assister de tout leur pouvoir les gens de bien, à garder la foi à tout le monde, et particulièrement aux souverains.
Chose encore bien plus remarquable pour l’époque, ces associations libre, sainte et humanitaire proscrivaient la tyrannie, l’oppression et l’esclavage. Là encore, il faut bien reconnaître que nos Institutions modernes – sociales et humanitaires – se sont maintenues fidèlement dans l’axe de cette influence antique et bienfaisante. Parmi ces associations éclairées, citons celles des Esseniens ou des Thérapeutes, des Khasidéens, qui se seraient déjà formées aux temps du roi Salomon, des Eumolpides dont les mystères se célébraient en l’honneur de Cérès, des Dactyles, des Dionysiaques, sans oublier la plus célèbre, la plus sublime des associations, celle des Pythagoriciens.
Pythagore
De la Tetracktys au Quatre de Chiffre
Toutes ces associations étaient dépositaires de la connaissance des vérités éternelles enseignées par les Gymnosophistes, sur les rives du Gange, dans les Temples de Memphis ou dans les fameux sanctuaires d’Eleusis ou de Samothrace. C’est pourquoi, quand nous parlons des mystères du paganisme, il convient de faire usage du compas et de l’équerre si nous voulons réellement retirer quelques fruits utiles de nos réflexions, car nier ou rejeter l’antiquité païenne, ce serait couper les racines et le tronc de tout travail initiatique. En pareil cas, nous ferions oeuvre de sectateurs…
En outre, de ce qui précède, soulignons que la spiritualisation des anciennes corporations de métiers, semble avoir été calquée, trait pour trait, sur le « Collegium Fabrorum » des romains. A l’évidence, disons seulement, que ces Collèges romains eux-mêmes avaient été fondés et organisés sur le modèle de la Grèce, que les Grecs à leur tour le tenaient des Egyptiens et ceux-ci des Indiens. Voilà, il faut en convenir, une filiation historique qui ne peut laisser aucun doute.
Collegium romain
En Egypte, les Gymnosophistes occupaient une place prépondérante dans le domaine de l’Etat et dans celui de l’Art. C’était un Ordre à la fois religieux, politique et artistique. Comme corps politique, leur influence s’étendait sur tous les pouvoirs de l’Etat, et même sur la conduite du monarque dont ils formaient le conseil, et qu’ils jugeaient solennellement après sa mort. Au plan religieux, ils détenaient le véritable enseignement « profond et secret » qui ne fut connu que de ceux qui furent admis dans les Temples, et qui y séjournèrent plusieurs années, participant aux rites secrets ultimes, après des méditations prolongées de plusieurs mois dans les souterrains d’initiation ou au coeur même des Pyramides. Dans le domaine de l’Art, il n’est pas utile d’insister sur le haut degré d’élévation atteint par l’Egypte. Combien de pierres et d’innombrables merveilles de l’art nous apportent les preuves tangibles de la splendeur de cette civilisation d’autant plus parfaite qu’elle est plus ancienne. Au reste, il conviendrait de poser deux questions :
- D’où vient la civilisation égyptienne ? Ne serait-ce point un peuple protohistorique ou anté-dynastique ?
- D’où sont issus les Gymnosophistes ? N’étaient-ils pas d’abord des Éthiopiens venus de l’Inde ? Ne seraient-ils pas encore des rescapés post-diluviens d’un continent perdu ?
INREES – Civilisation disparue
Le mythe étiologique du déluge est reconnu aujourd’hui comme l’hypothèse d’un épisode planétaire diluvien à grande échelle. Suite à cette immense catastrophe, consécutive probablement (?) à l’effondrement soudain d’un continent que certains chroniqueurs datent entre – 12 000 et – 15 000, d’autres seulement à – 10 500 ans, il faut rappeler que de gigantesques travaux souterrains furent entrepris. Ce qui s’explique, subséquemment, que l’espèce humaine dut son salut de survie au fait de se réfugier dans des grottes, des cavernes ou, à défaut, dans des anfractuosités naturelles faisant office d’habitations souterraines aménagées. L’exécution de ces nombreux souterrains se retrouve un peu partout dans le monde, surtout dans les Caraïbes, à Haïti, dans une partie du Venezuela et plus encore en Asie et en Afrique orientale. Et cela semble répondre à la même consigne, au même souci de protection des hommes, de préservation de l’espèce humaine et de ses connaissances.
Ces villes souterraines furent bien sûr occupées après le Déluge par les troglodytes dont certains étaient des nomades et circoncis. Or, ces derniers furent identifiés plus tard aux Gymnosophistes, sages et savants, qui vivaient nus au sein de la nature.
Ils s’occupaient de médecine, d’enchantements, de prédictions, donnaient des conseils aux Rois et Magistrats. Nous l’avons déjà dit, on les trouve dans l’Inde, mais également en Ethiopie et en Afrique où, aux temps reculés, ils vivaient solitaires et parfois errants. Ils avaient établi leur collège principal dans l’île de Méroé où ils s’occupaient à mettre en ordre les hiéroglyphes éthiopiens.
Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici que les nations égyptienne et éthiopienne, habitant le même bassin, reconnaissant les mêmes dieux, et jouissant des mêmes institutions, n’étaient probablement que les deux branches d’une même souche. Bien évidemment, et la Chronique d’ Eusèbe le confirme, la souche ne peut être qu’indienne. D’ailleurs, certains livres sanskrits relatent de très anciennes émigrations de races indiennes et parlent d’un roi Yatoupa qui alla s’établir dans le Yatupaan, en Ethiopie. De plus les Ethiopiens, qui instruisirent l’ Égypte, considérée comme une de leurs colonies d’Afrique, prétendaient avoir reçu leur civilisation d’un législateur divin, appelé Mithra, mot sanskrit qui signifie « ami » et qui est un des titres que les hindous donnent à leur dieu « Surya » ou le Soleil.
Mithra - Petra Genetrix
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Question : De quel empire du Soleil serait venu cet ami ?
Une fois de plus, nous voici « statufié » au pied du Sphinx. Muet depuis cinquante siècles, il regarde vers l’ouest… Une énigme qui vous fige les neurones ! L’Histoire est peut-être plus complexe qu’elle n’y paraît… J’ai marché dans les pas du poète écossais Kenneth White qui n’est pas resté indifférent sur cette question. Selon lui, le Sphinx pérennise la mémoire d’un peuple venu du Pays du soleil couchant… Les Shemsu Horu ! Les Compagnons d’Horus ! D’aucuns ont vu dans les Shemsu Horu une origine atlantéenne. Ainsi selon Edgar Cayce :
« Le Sphinx aurait été construit à une époque antédiluvienne, puis la civilisation de l’Atlantide y aurait laissé des enregistrements contenant toute l’histoire de l’humanité dans la « salle des archives », chambre souterraine accessible à partir de la patte droite du Sphinx ».
Nous pourrions aussi parler des similitudes incontestables des données astronomiques entre la cosmologie des Hindous et celle des Ethiopiens, reprise par les Egyptiens puis par Pythagore qui, bien entendu, se l’appropria. Or, nous savons que les Gymnosophistes étaient de réels savants astronomes. En pareil cas, peut-être conviendrait-il de s’arrêter sur les « Ethiopiques d‘Héliodore » qui fut un grand admirateur des Ethiopiens. Cet auteur fait observer que les Gymnosophistes possédaient deux caractères distincts d’écriture : l’un consistait en hiéroglyphes sur lesquels ceux de l’Egypte furent copiés, l’autre se déclinant en alphabet syllabique, encore utilisé de nos jours en Nubie et en Abyssinie.
Héliodore
Amours de Théagène & de Chariclée
En vérité, nous devrions connaître beaucoup plus de choses sur les Gymnosophistes, si le traité de Démocrite, écrit sur leur science, n’avait disparu. Démocrite se rendit cinq ans en Egypte où les Prêtres lui apprirent les choses relatives à l’astronomie et à la géométrie. Mais c’est en Ethiopie qu’il étudia les sciences secrètes des Gymnosophistes, lesquelles étaient des plus renommées.
Démocrite
Jean le Baptiste, fils de Zacharie, descendant de la secte des Esséniens, opérait sur les bords du Jourdain. Il fut un pur modèle des Gymnosophistes.
Apollonius de Tyane, philosophe, savant et thaumaturge, s’intéressa également et au plus haut point à la science des Gymnosophistes qu’il considérait comme celle des magiciens pré-dynastiques. La vie d’Apollonius fut emplie de faits prodigieux et miraculeux, d’exploits invraisemblables dans l’art de guérir. Grand voyageur, il se rendit à Babylone, aux Indes, en Italie où il ressuscita une femme, en Espagne, puis arriva en Egypte. Son mode de vie était assez proche de celui des Gymnosophistes, car il s’abstenait de toute nourriture animale, ne vivait que de fruits et de plantes, marchait nu pieds, et n’avait pour vêtements qu’une mince étoffe faite de feuilles. On dit même qu’il s’abstint de parler pendant cinq ans…
Au tournant de cet exposé, le moment est venu de s’arrêter sur le « miracle grec » qui n’a rien de miraculeux si ce n’est le mot. Serait-il plus juste de parler, comme l’a écrit Voltaire, d’un « véritable plagiat » ? En effet, sans exceptions et en tous domaines, les auteurs grecs du Siècle de Périclès furent des plagiaires sans répit. Nous pourrions en dire autant des lévites juifs (navré pour le pléonasme !) qui recopièrent moults rouleaux de papyrus de la Bibliothèque d’Alexandrie. Une manière d’aplanir le terrain au profit des savants arabes ultérieurs. Tout ce que la Grèce a produit d’hommes « supérieurs » se réduit à un « hold up » des lumières de l’Egypte et de l’ancienne Perse.
En vérité, on peut dire que tout l’occident continental et méditerranéen s’est instruit en Egypte et que toutes les écoles célèbres d’Alexandrie, de Pergame, de Rhodes, d’Athènes et de Rome, et ce jusqu’au 6ème siècle, sans compter celles des Arabes – profiteurs des dépouilles des bibliothèques survivantes – s’abreuvèrent toutes aux sources de l’ancienne Egypte dynastique voire pré-dynastique.
C’est l’Egypte, la première, qui mit en avant le Principe du Dieu Unique et celui de l’immortalité de l’âme. Hérodote le confirme :
« Les égyptiens sont les premiers à avoir annoncé cette doctrine que l’âme de l’homme est immortelle. Il est des gens qui, ceux-ci plus tôt, ceux-là plus tard, ont professé cette doctrine comme si elle leur appartenait en propre. Je sais leurs noms, je ne les écris pas… »
A quels auteurs Hérodote faisait-il allusion ? Homère ? Hésiode ? Thalès ? Phérécyde de Syros ? Pythagore ? Anaxagore… ?
En substance, cette digression relative au « miracle grec » justifie une certaine défiance de ma part vis-à-vis de ces « géniaux inventeurs » sus-nommés. Sans mettre en doute l’ontologie fabuleuse et lumineuse qui les animait, néanmoins, d’aucuns amassèrent, copièrent, falsifièrent et s’approprièrent l’antique gnose déposée au Pays des Pharaons. Faire croire à la postérité que le modèle grec « présocratique » serait l’expression la plus pure de la Pensée des Gymnosophistes reviendrait à faire d’une « posture » une « imposture »…
La Gymnité
Le Gymnosophe pratique la gymnité qui se veut le signe extérieur de qualités morales. Pratiquée en groupe et de préférence dans la nature, par l’échange mutuel du don visuel, la gymnité opère ainsi un retour à l’innocence. De l’avis de Marc-Alain Descamps :
« Le passage de la simple nudité à la gymnité, oeuvre de la gymnosophie, marque la volonté de ne plus voir en elle une faiblesse mais une sagesse. Cette volonté de faire une sagesse à partir de la nudité a été la position originelle de construction du mouvement nudiste gymnosophique tel que l’a fondé en France Kienné de Mongeot. «
Marcel Kienné de Mongeot
Les Gymnosophes, traditionnellement, ont toujours été des « amis de le nature ». Leur mode d’ascèse les avait amenés à reconnaître que tous les hommes sont issus de la même matrice, qu’ils partagent la même origine, la même indigence aussi, et que nous sommes tous égaux devant le grand dessein de la Nature. Nul doute qu’ils avaient développé à l’extrême une perception « éco-mystique » et « éco-magique » de la Totalité (Pan-sophia). En d’autres termes, eu égard à leur système de représentation du monde, la nudité de la chair ne se justifiait que pour appeler à l’existence « l’innocence de l’esprit » (non-nocere – qui ne nuit pas), l’un des principes les plus nets d’une « écologie de l’esprit » pour reprendre l’expression de Gregory Bateson.
Le temps me manque pour vous parler des Jaïna dont le rôle a été considérable en Inde depuis le milieu du premier millénaire AEC. Les Jaïnas se sont toujours réclamés des « Conquérants pacifiques », les Jinas (30 siècles AEC) qui ont donné son nom au Jinisme. Ces Sages sont connus également sous l’expression sanskrite Tirthankara, des Passeurs de Gué entre le monde conditionné et celui de l’inconditionné, encore, entre le monde visible et l’invisible, mieux, entre le tangible et l’intangible. Patanjali, codificateur du système Yoga en huit membres (Ashtanga) s’est largement inspiré de la doctrine gymnosophique des Jaïna, les Sages nus.
La conclusion de cet exposé revient au Poète libanais Khalil Gibran. Un texte poétique empreint - en majesté – de l’âme et de l’esprit de l’antique Gymnosophie.
« Le Tisserand dit : Parlez-nous de vêtements…
Et il répondit :
Vos vêtements dissimulent une grande part de votre beauté, mais ils ne cachent pas ce qui n’est pas beau.
Et bien que vous cherchiez en vos vêtements l’abri de votre intimité, vous risquez d’y trouver un harnais et une chaîne.
Puissiez-vous rencontrer le soleil et le vent avec davantage de votre épiderme et moins de vos vêtements. Car le souffle de la vie est dans le soleil et la main de la vie est dans le vent.
Certains d’entre vous disent : « C’est le vent du nord qui a tissé les habits que nous portons. »
Et moi je dis, Oui, c’est le vent du nord. Mais la honte fut son métier et l’amollissement des nerfs fut son fil.
Et lorsque son travail fut accompli, il rit dans la forêt.
N’oubliez pas que la pudeur n’est qu’un bouclier contre l’oeil de l’impur.
Et quand l’impur disparaît, que devient la pudeur sinon une entrave et une souillure de l’esprit ?
Et n’oubliez pas que la terre se réjouit de sentir vos pieds nus et que les vents joueraient volontiers avec vos cheveux. »
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Conférence revisitée au mois d’août 2019 - Breizh 22
Le Thélémite.
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